NOUS RECLAMONS UNE APPROCHE STRATEGIQUE ET SOLIDAIRE
Ce conseil d’administration marque une étape importante de la vie du réseau AEFE avec un nouveau cadre financier qui est soumis aux administrateurs pour délibération. Après 6 mois
d’échange avec la tutelle de l’agence, nous devons faire le constat d’une triple crise :
La crise du financement public de notre modèle d’économie mixte : L’Etat réduit nettement sa participation au fonctionnement de son réseau de diplomatie scolaire et d’influence. Enterrée la priorité élyséenne, nous sommes désormais soumis au régime ordinaire :
Si le projet de loi de finance 2026 est adopté, ce seront 60 millions d’euros qui auront été amputés en 3 ans. Dans le même temps les frais de scolarité devraient augmenter de 9 % en moyenne avec des pointes approchant les 25 % de hausse cette année. On imagine sans mal les dommages collatéraux de cet effet ciseau, des établissements fragilisés et des emplois dont la suppression sera vite programmée.
En réalité le système AEFE repose toujours plus sur les capacités financières des familles et sur les facultés d’adaptation des personnels. Le nombre de titulaires aura été réduit massivement d’un millier d’unités, passant de 6500 ETP au début du premier quinquennat Macron à environ 5500 ETP aujourd’hui. Effectifs de classe en augmentation, disciplines de spécialités fermées, enseignants titulaires et expérimentés qui doivent quitter nos rangs, montée du stress et des inquiétudes partout, les conséquences scolaires et humaines se font sentir chaque jour.
Eduquer nécessite pourtant, plus qu’aucune autre grande tache humaine, de la sérénité d’esprit. Mais nous sommes face à une seconde crise, qui est celle du système des pensions :
L’AEFE n’arrive plus à financer en l’état les pensions civiles de ses personnels et doit trouver des ressources nouvelles auprès de ses établissements. Il est paradoxal, de fait, de faire supporter une partie de la responsabilité du financement des pensions aux établissements alors que ceux-ci ne sont, au mieux, que des employeurs secondaires : ils ne maitrisent pas le recrutement des personnels titulaires qu’ils emploient et ne sont pas maitres de leur durée d’emploi à cause de la limitation des contrats de nouveaux résidents à 6 ans.
La tentation de l’AEFE pourrait être de réduire le nombre d’actifs employés dans le réseau pour alléger la note, ou, subterfuge de gestion oblige, de favoriser les détachements directs pour faire payer la note des pensions au ministère de l’éducation national. Et l’AEFE en tant qu’agence de gestion des ressources humaines, sciera ainsi la branche sur laquelle elle est assise, et reviendra sur les promesses de sa création en 1990, la promesse notamment d’harmoniser le recrutement et la gestion de ses personnels.
Troisième crise, crise stratégique enfin : jamais le nombre d’élèves et d’établissements n’aura été si important et jamais nous n’aurons eu des performances éducatives si élevées. Ce réseau universel de plus de 600 établissements dont une majorité constituée d’établissements totalement privés semble pourtant devenu un colosse aux pieds d’argile. L’État est inconséquent dans sa mission de scolarisation des enfants de nos compatriotes, la hausse des frais de scolarité qui ont augmenté de 40 % en 10 ans d’après le rapport du député Karim Ben Cheik, créé des effets d’éviction des familles. Les évictions vont
continuer demain. C’est une mission de service public prise dans l’étau de nos contraintes
financières. Quant à la mission de coopération, celle qui vise à éduquer sur les mêmes bancs de l’école des enfants de toutes origines, de toutes cultures et de toutes couleurs, on aurait tant besoin de la défendre et de la valoriser à l’heure où les populismes et les extrémismes veulent créer des frontières étanches, stigmatiser l’Autre, remplacer l’idéal cosmopolite et universel par une vision étriquée du nationalisme. Ce sont ces gens-là qui voudraient instaurer l’uniforme à l’école. Nous serons toujours contre toute forme d’uniformité, vestimentaire ou culturelle.
Nous avons besoin dans ce contexte d’un cap stratégique. Et d’actions de solidarité.
Notre cap c’est la défense de l’emploi. Partout. Que le ministère de l’éducation nationale desserre l’étau des 6 ans, dans un premier temps, et que l’on fasse, en interministériel, le bilan réel de sa politique d’emploi de détachés. Le détachement direct doit redevenir une exception et les effectifs de détachés doivent être redéployés vers les établissements conventionnés et à gestion directe et soumis à nos règles communes de gestion. L’Etat doit prendre ses responsabilités. Le détachement direct en catimini, dans le dos du réseau, ça suffit. Les marges de manœuvre retrouvées par l’agence grâce aux contributions financières nouvelles doivent fournir les moyens de soutenir les établissements en difficulté. Nous en avons identifié une dizaine qui dès l’année 2026 devraient se retrouver dans le rouge. La solidarité doit les concerner en premier.
Si notre stratégie demeure de maintenir un réseau universel de diplomatie d’influence, aucune zone ne doit être abandonnée. On entend trop souvent, à mots couverts, l’intérêt moindre pour l’Europe qui serait vue comme une zone où les gisements d’économies seraient importants. L’Europe culturelle et scolaire reste encore à parfaire, la construction de l’Europe unie n’est pas terminée, et nous avons besoin plus que jamais, alors que la guerre hybride est là, de former des esprits forts, hermétiques aux fake news, solides face aux manipulations de l’opinion, des esprits forts à la française mais dans un cadre bi ou trilingue, au sein de nos établissements présents dans les pays de l’Union ou de leur périphérie immédiate.
Ce réseau nous le savons dépasse sa réalité chiffrée. Il vaut mieux que ses déficits apparents, ne se résume pas à son nombre d’ETP. Ce réseau est le reflet de notre idéal, celui du vouloir éduquer ensemble, celui de l’internationalisme scolaire qui se forge, dans des cours d’école de Valence à Hanoi, de Lima à Bamako, avec des personnels conscients de leurs responsabilités et qui ne souhaitent qu’une chose : continuer à éduquer des futurs citoyens du monde plus éclairés.
HORS DE FRANCE
Déclaration Liminaire CA AEFE du 18 décembre
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